À la carte ou au menu

Un moment de poésie gourmande et gastronomique. Lecture et chansons qui ouvrent l’appétit.

Un des textes pour vous mettre l’eau à la bouche :

Nom d’un menu !

Il en est des menus comme il est des humains :
Certains sont engageants, certains présentent bien,
Mais sitôt que l’assiette arrive sur la table,
On se dit que l’enseigne est peu recommandable.

Le voyage est souvent pour l’ouïe seulement :
Le nom est aérien, charmant, appétissant,
Mais l’œil et le palais s’en reviennent déçus.
Aussi faut-il savoir traduire les menus.

« Tourbillon de la mer » pour quelques bigorneaux…
On est loin des langoustes et du festin d’ormeaux ;
« Délice de rivière au coulis d’estragon » :
Une sauce aux brins verts sur un bout de saumon ;

« Fraîcheur de mon jardin » : huit radis miniatures ;
« Farandole légère » ou trois bouts de verdure ;
« Corbeille du soleil » : deux trois malheureux fruits,
Et qui devient « gourmande » à côté d’un biscuit ;

« Carpaccio ibérique en robe des Balkans »
Signifie « macédoine en amas s’étalant
Sur du jambon fumé », n’est-ce pas explicite ?
« Confit de péché d’Eve » : une pomme trop cuite ;

« Risotto » : riz collant (ordinaire entourloupe) ;
« Consommé », « velouté », tout ça c’est de la soupe ;
« Terrine » pour pâté ; haché cru, c’est « tartare » ;
« Bonheur tentaculaire » : poêlée de calmars.

Loin des noms ampoulés, ronflants et emphatiques,
J’ai l’esprit terre-à-terre et l’estomac pratique :
Un rôti, c’est « rôti », un poulet, c’est « poulet » !
Un champignon n’est pas un « trésor du bosquet ».

Me voilà Champollion quand je vais au resto…
Mitonner l’hyperbole à tout-va, c’est bien beau,
Mais le plaisir réel, qui dans mes yeux pétille,
Reste indéniablement l’ivresse des papilles.

Chers amis cuisiniers, plutôt qu’à votre carte,
Songez à vos soufflés et à vos fonds de tartes.
Je préfère cent fois manger un bon ragoût
Qu’un « mijoté des prés » qui n’aurait pas de goût.

Durée : 45 minutes (Textes : Clotilde de Brito)